Interview

Neto Borges : « Jouer en Ligue 1 me semblait impossible »

Neto Borges : « Jouer en Ligue 1 me semblait impossible »

Interview
Publié le 31/10 à 16:05 - Arnaud Di Stasio

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Buteur avec Clermont dimanche, le latéral brésilien Neto Borges se raconte : son éclosion hyper tardive, son parcours de globe-trotter, Yago Pikachu ou encore Philippe Clement. Entretien.

Pour ta première saison à Clermont, tu fais plutôt fort puisque tu viens de marquer ton premier but dimanche et que tu as été titulaire lors de tous les matchs sauf un, pour lequel tu étais suspendu. Lors du dernier mercato, comment as-tu choisi Clermont ?
Mon agent m’a fait part de l’intérêt de Clermont en fin de saison dernière alors que je sortais d’une année pleine avec Tondela au Portugal. Je connaissais la Ligue 1 Uber Eats mais je n’avais pas beaucoup entendu parler du club et de la ville donc j’ai fait mes recherches sur Internet. Et j’ai été impressionné par le projet du club et la façon de travailler. Tout le monde connaît la Ligue 1 et n’importe quel joueur rêve de jouer dans un des cinq grands championnats… Je suis venu à Clermont pour visiter les installations et discuter avec le coach et les dirigeants. Après ça, je n’ai pas hésité longtemps.

Et donc, lorsque tu as tapé « Clermont » sur Internet, qu’est-ce qui est ressorti ?
La première chose que j’ai vue quand j’ai mis le nom du club, c’est la tête du coach Pascal Gastien (rires). C’est normal, c’est un peu le symbole du club. J’ai vu que Clermont était longtemps resté en Ligue 2 mais que le club sortait d’une belle première saison en Ligue 1, qu’ils avaient réussi quelque chose d’historique et qu’ils voulaient maintenant s’installer dans l’élite. J’ai aussi vu que Mohamed Bayo avait marqué beaucoup de buts la saison dernière.

Et concernant la ville ?
J’ai tout de suite vu le centre Jaude, le grand centre commercial du centre-ville. Ça a tout de suite plu à ma femme ! On venait de passer un an à Tondela, qui est une petite ville, et ma femme avait quelques craintes. Mais on a vu que ce serait différent ici. Quand on change de club, la ville compte aussi. Pour se sentir bien sur le terrain, il faut se sentir bien en dehors.

« Neto, il faut que tu apprennes à défendre »

Pour les gens qui n’ont pas encore vu le Clermont Foot 63 cette saison, peux-tu décrire ton jeu et tes qualités ?
Il y a deux ans, j’aurais répondu que j’avais un style presque exclusivement offensif. Mais aujourd’hui, je suis bien plus équilibré dans mon jeu : je sais défendre et je sais monter au bon moment. La saison dernière, j’ai mis 3 buts et j’ai réussi 5 passes décisives, ce qui n’est pas trop mal pour un défenseur (rires) ! Pour résumer, je reste un latéral offensif mais j’ai su ajouter de l’équilibre dans mon jeu.

Tu as toujours joué latéral ou, comme beaucoup, tu as reculé avec les années ?
Plus jeune, je jouais ailier ou 10. C’est un de mes entraîneurs au Vitória de Bahia qui m’a fait reculer au poste de latéral quand j’avais 14 ans. Au début, j’étais tout le temps dans le camp adverse donc j’ai dû apprendre à défendre. On me répétait toujours la même chose : « Neto, il faut que tu apprennes à défendre ! ». En Belgique, ça ne s’est pas très bien passé pour moi à cause de ça. C’est un championnat où les ailiers sont très bons donc les latéraux ont beaucoup de boulot défensivement. Là-bas, j’étais encore en train de me développer comme joueur professionnel et comme personne, il y avait beaucoup de changements à gérer. J’ai dû beaucoup travailler pour mieux défendre sans oublier mon côté offensif. Mais aujourd’hui, je me sens épanoui au poste de latéral.

Ce n’est pas un hasard si Clermont, qui est réputé pour sa volonté de jouer, a recruté un latéral offensif comme toi…
Oui, dès mes premiers entraînements, j’ai vu qu’on avait une équipe qui voulait avoir le ballon. C’est super pour moi car je sortais d’une saison à Tondela où c’était très compliqué, où on ne faisait que jouer le contre. Ce n’était pas évident pour moi car j’aime toucher le ballon. Et quand tu défends la majeure partie du temps et que tu joues bas, il faut ensuite avoir le jus pour faire de longs sprints et partir en contre. Parfois, je me sentais très fatigué alors qu’on n’avait joué que la moitié du match ! Ici, c’est différent, on a beaucoup de joueurs à l’aise avec le ballon.

« Je suivais les Raí, Nenê, Ronaldinho… »

A 26 ans, tu découvres ton 5e championnat, après la Suède, la Belgique, le Brésil et le Portugal. Comment fait-on pour repartir de zéro dans un nouveau pays ?
Ce n’est pas toujours facile ! En France, une fois de plus, il faut apprendre une nouvelle langue, découvrir une nouvelle culture… J’en parlais avec ma femme et on se disait qu’on espérait trouver un chez nous. J’en ai un peu marre d’être un « étranger ». J’ai envie de me projeter sur le long terme quelque part. Je ne sais pas encore où ça sera mais j’ai envie de stabilité pour moi et ma famille. On a un fils de six mois. Ce n’est pas l’idéal de changer d’endroit tous les ans…

Que connaissais-tu du championnat français avant de signer ici ?
Plus jeune, je suivais les Raí, Nenê, Ronaldinho, le PSG, l’OM, les clubs historiques du championnat… Je voyais des images de la Ligue 1 de temps en temps mais c’est depuis que Neymar est arrivé que le championnat français a pris une autre dimension au Brésil. Et moi, j’ai toujours rêvé de jouer dans un des grands championnats. Mais même si j’en rêvais, je n’y croyais pas, je me disais que c’était impossible. Je jouais dans les petites divisions au Brésil et je ne voyais pas comment j’allais pouvoir me retrouver dans un grand championnat européen. Ce n’était qu’un rêve, jouer en Ligue 1 me semblait impossible et maintenant, je joue en France… Ça montre qu’il faut toujours viser plus haut !

« Au début, je ne comprenais absolument rien sur le terrain »

Pour parler maintenant de tes débuts, tu es donc passé par le centre de formation du club de Vitória, à Salvador de Bahia…
J’habitais dans une petite ville de 50 000 habitants, à une heure et demie de voiture de Salvador. Chaque jour, de mes 10 ans à mes 14 ans, on faisait les allers-retours en voiture. Mais ça coûtait cher et, un jour, ma mère m’a dit qu’on n’avait plus les moyens de continuer comme ça. C’était dur car je devais abandonner mon rêve. Je suis rentré chez moi et, pendant quatre ans, je jouais dans le petit club de ma ville, à un niveau très bas. Mais à 18 ans, un ami agent, Marcelo, m’a proposé d’aller jouer dans le Sergipe, un petit État du Nordeste du Brésil. On savait que ce n’était pas incroyable mais je n’avais rien à perdre de toute façon. Et là, les choses sont devenues un peu folles puisqu’en un an, j’ai joué pour trois équipes différentes : Boca Júnior, Itabaina puis Turabão, dans l’État de Santa Catarina. Là-bas, on a gagné la coupe de l’État fin 2017 et c’est à ce moment-là que le club suédois d’Hammarby m’a repéré.

Ça a dû être une sacrée surprise…
Complètement, je ne jouais qu’en Serie D, la 4e division brésilienne... Un agent est venu me trouver. On travaille toujours ensemble aujourd’hui mais, à l’époque, c’était la première fois que je le voyais et il me parle de signer à Hammarby. Quelques jours plus tard, je m’envolais pour la Suède pour y passer ma visite médicale ! Je suis ensuite rentré au Brésil pour les fêtes de fin d’année puis, début janvier, j’étais avec Hammarby, en stage d’avant-saison au Portugal.

Comment s’est passée ton adaptation en Suède ?
La principale difficulté, c’était la langue car, à cette époque, je parlais portugais et c’est tout. Je ne connaissais ni l’espagnol ni l’anglais. Du coup, au début, je ne comprenais absolument rien sur le terrain. Heureusement, il y avait un entraîneur adjoint, Pablo Piñones Arce, un Suédois d’origine chilienne. Il parlait espagnol et, même si ce n’était pas du tout mon cas, l’espagnol et le portugais se ressemblent un peu donc c’est rentré petit à petit. Dès qu’il y avait une consigne, Pablo me la traduisait. Si je comprenais, tant mieux, sinon, je regardais ce que faisaient les autres. Lorsque la saison a commencé, j’ai eu la chance d’être titulaire dès le début et j’ai bien joué. Et quand tu joues, tout devient plus facile. Au bout de trois mois, je parlais un peu anglais et je comprenais tout ce que mes coéquipiers disaient. Au bout de six mois, je me débrouillais. Et à la fin de l’année, j’étais capable d’avoir une conversation. Au-delà de la langue, il fallait bien sûr s’adapter au froid, à la nourriture… J’aime beaucoup la cuisine suédoise mais le froid… Quand j’ouvrais la porte de chez moi et que tout était blanc dehors, que le thermomètre affichait moins 20 degrés, c’était quelque chose !

Et tu t’es tout de suite senti à l’aise dans le championnat suédois ?
C’était un peu dur au début car le jeu était beaucoup plus rapide que ce que je connaissais. Au club, on me faisait passer le message qu’il fallait que je progresse, qu’on n’était pas sûr de mon niveau, qu’on s’était peut-être trompé sur mon cas... Je leur ai dit de me laisser un peu de temps. Je leur ai dit qu’en m’entraînant avec les autres, j’allais prendre le rythme. Et j’ai eu raison puisque quelques semaines plus tard, j’étais titulaire, les supporters m’appréciaient… Aujourd’hui encore, je reçois des marques d’affection et des messages qui me demandent de revenir. Je me sentais chez moi là-bas. Je suis si reconnaissant à Hammarby de m’avoir tendu la main. Si j’ai l’occasion d’y retourner un jour, peut-être pour y finir ma carrière, ce serait génial.

Ta saison en Suède s’est terminée en apothéose, avec une place dans l’équipe-type du championnat…
Je me suis réveillé un matin et j’avais plein de messages qui me disaient que j’avais été élu meilleur latéral gauche. Je n’y croyais pas ! J’ai tout de suite appelé ma famille et je me suis mis à pleurer. La personne du club qui s’occupait de moi au début et qui me mettait la pression m’a félicité. Je lui ai dit : « Tu as vu ? Il fallait me laisser un peu de temps ! ». C’était un rêve, beaucoup de clubs s’intéressaient à moi, et je pouvais enfin profiter un peu.

« Philippe Clement te dit la vérité »

Début 2019, tu quittes Hammarby pour Genk et la Belgique. Que retiens-tu de cette expérience ?
Je suis arrivé en cours de saison et, une semaine seulement après ma signature, je jouais mon premier match. Mais très vite, je me suis blessé au dos à l’entraînement et je suis resté quatre mois sans jouer. Je ne pouvais même pas m’entraîner. Dans ces situations-là, tu perds tout. Ce n’est que la saison suivante que j’ai pu rejouer et le coach avait changé. Ce n’était plus Philippe Clement mais Hannes Wolf. Je ne jouais pas beaucoup, j’étais frustré, d’autant plus que je sortais d’une super saison en Suède. Je ne me sentais pas à l’aise donc j’ai dit à mon agent que j’avais besoin de changer d’air et, lors de l’été 2020, j’ai été prêté au Brésil, à Vasco da Gama.

Tu parlais de Philippe Clement, que tu as affronté récemment à Monaco. Quel type de coach est-il ?
C’est un très bon coach ! Grâce à lui, je suis champion de Belgique puisque, même si je n’ai joué qu’un match avant de me blesser, Genk a remporté le titre cette saison-là ! Philippe Clement est quelqu’un de bien, de droit. Il te dit la vérité quand tu ne joues pas. Je l’apprécie beaucoup et c’était un plaisir de le retrouver la semaine dernière.

Pour rester sur tes anciens entraîneurs, tu as été dirigé par un autre grand nom lorsque tu étais à Vasco da Gama, Vanderlei Luxemburgo, l’ex-sélectionneur du Brésil et coach du Real Madrid. Tu peux nous parler de lui ?
Il a un fort caractère ! Quand il arrive quelque part, il impose le respect. C’est un personnage du football brésilien. C’est un très grand coach lui aussi, j’ai beaucoup appris avec lui. Il traite tous les joueurs comme ses fils. Il parle beaucoup, il t’explique les choses, il aime transmettre. C’est un super coach sur le plan humain, il sait comment gérer un groupe. Et il ne te parle pas que sur le terrain, en dehors aussi, notamment lors des dîners d’équipe qu’il organise.

« Je m’entends très bien avec Yago Pikachu »

Pendant ta carrière, tu as joué avec des joueurs qui s’appellent Juninho, Quaresma, Bebeto mais aussi Kennedy et un certain Yago Pikachu !
Yago Pikachu ! Je ne sais pas trop pourquoi il s’appelle comme ça. Peut-être parce qu’il est fan de Pikachu ou parce qu’il est petit et rapide. En tout cas, il a un Pikachu tatoué sur le corps. Je m’entendais très bien avec lui. Je crois que je vais lui poser la question. Comme ça, la prochaine fois que vous m’interviewerez, j’aurai la réponse (rires) ! Au Brésil, on a cette culture du surnom. Moi, par exemple, on m’appelait Netinho au début.

Et Kennedy ?
C’est une légende d’Hammarby. C’est peut-être le joueur le plus célèbre de l’histoire du club. Lors de ma saison avec lui, il a mis un coup franc contre l’IFK Göteborg et, pendant qu’il célébrait son but, des supporters lui ont lancé un gobelet de bière qu’il a attrapé en plein vol et qu’il s’est mis à boire ! C’était fou ! Tout le monde parlait de ça après le match !